- sandra-berger5
La procrastination ou résumer son mémoire en neurosciences et apprentissages
Les études ont montré que partagée par une grande partie de la population adulte et scolaire, la procrastination est aujourd’hui favorisée par des paramètres contextuels (pandémie de covid et confinements, sur-sollicitation numérique) et situationnels (physiologie, personnalité, psychologie). Elle va aussi à l’encontre de la croyance selon laquelle la procrastination est la conséquence d’une mauvaise organisation.
C’est plus complexe, moins lié à la volonté et plus large que le simple coup de pied aux fesses qu’il faudrait se donner. Donc cela ne sert à rien de s'énerver contre un procrastinateur, il faut plutôt l'aider à comprendre ses propres mécanismes et à trouver des solutions adaptées à son fonctionnement.
Physiologiquement il se passe quoi ?
Lorsqu’une personne est submergée par des émotions fortes comme l’anxiété et la peur qui participent nettement au comportement procrastinateur, le système limbique impulsif peut prendre le dessus. Elle reporte alors des tâches rébarbatives et s’octroie un répit temporaire en allant vers une activité plus simple et plus satisfaisante à court terme. En bref, elle fuit.
Cela pourrait être le cas des personnes ayant l'amygdale (du cerveau) plus volumineuse et les connexions entre l'amygdale et le cortex cingulaire antérieur dorsal plus faibles. Enfin, le circuit de la récompense qui injecte de la dopamine à plusieurs endroits du cerveau vient aussi jouer son rôle. Un procrastinateur qui répond à des sollicitations plaisantes à court terme va être dans un état de plaisir le confortant dans son choix alors même que le retard pris sur son travail va lui générer du stress et de l’anxiété.
Et psychologiquement ?
La procrastination serait la résultante d’une mauvaise régulation des émotions et notamment de la peur. Stimulé extérieurement par un événement, le cerveau met en action un certain nombre de traitements cognitifs qui peuvent se déployer dans une stratégie d’évitement. Pour se protéger, la personne déclenche dans son cerveau des mécanismes de fuite et focalise son attention sur les récompenses à court terme qui peuvent déclencher des émotions plus gratifiantes.
D’autres causes psychologiques vont également accroître notre propension à procrastiner tel que la prédiction affective laissant penser qu’on garde une forme de contrôle sur l’action, ou encore que l’excuse d’être meilleur dans l’urgence permet de diminuer la dissonance cognitive entre notre tâche à réaliser et nos sollicitations distractives. L’individu peut même aller jusqu’à élaborer des stratégies d’autohandicap sabotant lui-même son action.
Procrastiner c’est ne pas réussir à activer sa motivation !
La procrastination consistant à éviter ou différer la mise en action et/ou l’achèvement d’une tâche, il est intéressant de comprendre comment se construit la motivation lors d’un apprentissage ainsi que l’autorégulation.
Pour être capable de s’autoréguler, il faut pouvoir orienter sa pensée vers la réalisation d’objectifs de réussite et avoir le sentiment d’être capable de réaliser une tâche (auto-efficacité). Un niveau élevé d’auto-efficacité est associé à de faibles niveaux de procrastination.
De même, un individu qui se confronte à des tâches trop compliquées met à mal son sentiment d’efficacité personnelle (SEP) et peut augmenter sa procrastination.
Des objectifs atteignables et segmentés peuvent renforcer la détermination et la persévérance.
Le procrastinateur a du mal à contrôler sa propre action afin d’en évaluer l’avancée et d’en faire varier la temporalité afin d’ajuster la tâche en décidant de l’arrêter définitivement, en l’arrêtant pour passer à la suivante ou pour réajuster sa réalisation. La métacognition est la capacité à bien connaître son fonctionnement cognitif (au-delà même de la procrastination évidemment) et à contrôler ses mécanismes. Il faut apprendre la métacognition !
Et un procrastinateur immergé dans un groupe ça donne quoi ?
Dans le cadre d’un groupe de travail, chaque membre du groupe doit détenir et participer à l’ensemble des avancées collectives. Le chef de projet (ou l’enseignant dans le cadre d'un projet scolaire) doit également choisir la stratégie coopérative adaptée à son groupe. Il doit ajuster sa conduite du travail de groupe en permanence.
De plus, il faut qu’une motivation collective se crée dans le groupe afin de limiter les conséquences de la procrastination individuelle. Qu’elle soit intrinsèque (venant de la personne) ou extrinsèque (extérieure à elle), les études montrent :
· Que les récompenses extrinsèques diminuent la motivation intrinsèque,
· Que les commentaires positifs et les rétroactions permanents sont à favoriser,
· Que les besoins de compétences et d’autonomie font partie intégrante de la motivation.
· Et enfin que les menaces et punitions, les buts imposés et la compétition sont des facteurs contrôlants allant à l’encontre de l’autonomie et de la motivation.
Donc défavorables au procrastinateur.
Et pour finir, nous sommes des êtres d’imitation et il est possible de propager des émotions de manière intentionnelle afin de générer ces mêmes émotions aux autres membres du groupe et éventuellement modifier la contagion des émotions négatives émanant d’un procrastinateur. Le but étant que sa procrastination n’influence pas la motivation des autres membres du groupe.
Procrastination et neurosciences : les interactions
Le sujet de la procrastination développé ici met en lumière de nombreuses thématiques en neurosciences. Parmi elles,
· le fonctionnement du cerveau,
· l’apprentissage,
· la métacognition,
· la régulation des émotions,
· les stratégies d’autohandicap,
· l’auto-régulation,
· l’auto-détermination,
· la motivation,
· l’auto-efficacité.
Tant de sujets (et bien d'autres encore) qu’il est essentiel de développer et surtout de diffuser auprès des jeunes et des enseignants / formateurs. Pourquoi ?
Parce qu’en comprenant davantage comment on apprend, chacun sera plus armé pour le faire sereinement et de manière adaptée.
On nous apprend à compter, à lire, à écrire mais jamais à apprendre et à se connaître. Et c’est bien dommage.
Nombre d’étudiants souffrent de travailler à vide, sans résultat probant, de procrastiner et de culpabiliser, de perdre les connaissances qu’ils ont un jour apprises. Ils angoissent davantage que leurs aînés et régulent de plus en plus difficilement leurs émotions. Or la souffrance va à l’encontre du processus d’apprentissage .
Est-ce important ? Évidemment.
Le bien-être doit être au cœur de l’enseignement et ce dès le plus jeune âge. Ce n’est pas moi qui le dis mais l’État français. « Les compétences psychosociales des enfants et des jeunes doivent être développées grâce à des interventions coordonnées tout au long de leur parcours, organisées dans leurs différents milieux de vie ».
Alors vous vous y mettez quand ?
Les établissements scolaires doivent se mettre à proposer des enseignements non plus uniquement opérationnels mais liés au bien-être et à l’amélioration des conditions d’apprentissage de leurs élèves et former leurs enseignants formateurs aux problématiques d'apprentissage et aux neurosciences .
N'hésitez pas à me contacter si vous souhaitez en discuter. La facilitation cognitive, ça s’apprend !
